Forum social mondial de Dakar - Lancement d’une campagne mondiale contre les paradis fiscaux

, par Ekkehart Schmidt

Les paradis fiscaux sont « des armes de destruction massive pour le développement des pays pauvres », a dénoncé la députée européenne Eva Joly, le 8 février au Forum social mondial de Dakar, en s’associant à une campagne mondiale pour « obliger les multinationales à rendre des comptes ».

Devant des altermondialistes du monde entier, l’ancienne magistrate franco-norvégienne a d’abord rappelé que « cela fait dix ou quinze ans que le rôle néfaste des paradis fiscaux est connu. Mais si on ne parvient pas à les combattre, c’est parce qu’ils sont le noeud d’intérêts convergents très forts », a-t-elle argumenté. « Les gouvernements subventionnent ainsi, sans le dire, les multinationales en leur permettant de ne pas payer d’impôts », les dirigeants des pays pauvres « s’octroient des fortunes par la corruption », les partis politiques se financent illégalement.

Pour Mme Joly, il s’agit à présent de mettre directement la pression sur les banques et entreprises multinationales, qui localisent leurs profits où bon leur semble et entretiennent le plus grand secret sur leurs comptes. Comment ? En les obligeant « à présenter les activités et les résultats de chacune de leurs filiales, pays par pays », ont affirmé huit organisations de la société civile de divers continents (dont Tax Justice Network Africa, CCFD-Terre solidaire, Oxfam France, Christian Aid, Latindadd).

Ils ont lancé à Dakar une campagne internationale, « Stop paradis fiscaux », qui a pour objectif d’interpeller les dirigeants des pays du G20 « pour qu’au prochain sommet à Cannes, en novembre 2011, ils mettent enfin sur la table des mesures concrètes pour lutter contre l’opacité financière ».

La Brésilienne Mariana Paoli, au nom de l’ONG Christian Aid basée à Londres, a insisté devant la presse sur l’importance « du lien entre impôt et développement ». « Très peu de personnes sont conscientes que les pays en développement perdent annuellement bien plus d’argent du fait de l’évasion fiscale que ce qu’ils reçoivent en aide de la part des pays riches », a-t-elle souligné.

C’est ainsi qu’en Zambie, où les exportations de cuivre et de cobalt sont très importantes, « l’ensemble du secteur minier ne représente que 4 % des recettes fiscales », a assuré Maylis Labusquière, de l’ONG Oxfam France, la plupart des entreprises étrangères n’y payant pas les impôts dus.

Dans la lutte contre l’opacité financière, « il y a quand même des choses qui bougent », a avancé la Française Mathilde Dupré (Comité catholique contre la faim et pour le développement, CCFD), citant une mesure adoptée en 2010 aux Etats-Unis, pour obliger les industries extractives cotées à New York à communiquer tous les paiements faits aux gouvernements étrangers, projet par projet.

L’an dernier, la première région française, l’Ile-de-France, a aussi « montré l’exemple », selon Mathilde Dupré, en adoptant une délibération demandant à ses partenaires financiers de « fournir un état, pays par pays, de leur activité, de leurs effectifs et des impôts et taxes versés aux autorités locales ».

Car la palme de l’opacité financière revient, sans surprise, aux banques : « les leaders européens de la banque et des assurances ont, en moyenne, 25 filiales chacun dans les îles Caïmans », a relevé le CCFD dans son rapport « L’économie déboussolée ».