Des réformes remises aux calendes grecques

, par Ekkehart Schmidt

Plus de cinq ans après la chute de Lehman Brothers, force est de constater que les grandes réformes bancaires que les dirigeants mondiaux avaient annoncées sont principalement restées à l’état de discours. Pendant ce temps, l’endettement des Etats a largement explosé au profit des institutions financières privées : une situation hautement instable dont l’issue risque de faire passer la débâcle de 2008 pour une promenade de santé.

Les déclarations tonitruantes des dirigeants du G20 restant dans nos mémoires, telle celle de Nicolas Sarkozy annonçant la fin des paradis fiscaux. Elles nous promettaient la remise au pas du secteur financier au service de l’économie réelle. On ne peut pas dire pour autant que rien n’a été entrepris : aux Etats-Unis la série de lois de régulation bancaire Dodd-Frank qui a été votée en 2010 est estimée être entrée en vigueur à hauteur de 40 %, faute de décret d’application ! La loi Volcker qui interdit le trading pour compte propre est toujours bloquée. Les banques systémiques ‘too big too fail’ sont également ‘too big to jail’ ce qui explique aussi l’abandon des poursuites de l’Etat fédéral contre Goldman Sachs alors que la responsabilité de celle-ci dans la fraude massive sur les produits subprimes qu’elle avait vendu à ses clients jusqu’a 2008 est manifeste.

En Europe, la timide tentative de régulation sur le trading à haute fréquence ne doit pas faire oublier l’abandon d’une législation instituant une taxe sur les transactions financières, et bien pire encore celui de la séparation des activités bancaires… Tout cela prêterait à nous faire rire si pendant ce temps la dette publique des pays industrialisés n’avait pas considérablement enflé. La dette publique totale des pays du G7 est passée de 18 000 milliards en 2008 à… 140 000 milliards de dollars de nos jours. Nous entendons régulièrement parler du ‘dynamisme’ de l’économie américaine mais nous savons que les emplois créés actuellement outre Atlantique sont de piètre qualité, et que cette dynamique est complétement dépendante de la Federal Reserve qui fait tourner la planche à billets à plein régime, à hauteur de 85 milliards de dollars tous les mois. En Europe, la situation des pays très endettés s’assombrit de jour en jour, au point que même le FMI est obligé de constater que les politiques d’austérité pratiqués sont contre productives.

Bref, le Titanic de l’économie mondiale continue de pencher dangereusement, même si l’orchestre joue de plus en plus fort : Angela Merkel a beau promettre « quatre belles années » à son électorat, le modèle allemand basé sur le dumping social à mangé son pain blanc et l’économie allemande ne pourra plus exporter faute de ressources. La situation des pays émergents n’est pas vraiment meilleure : même si The Economist loue le dynamisme des banques chinoises qui dament le pion à leurs concurrentes occidentales, le Financial Times s’inquiète fortement sur l’état d’endettement des entreprises comme des provinces chinoises, endettement qui a particulièrement alimenté la spéculation immobilière. Le ratio du crédit par rapport au PIB chinois est passé de 75% à 200% au cours des cinq dernières années. Par comparaison, ce ratio n’avait progressé que de 40% au cours des cinq années qui avaient précédé la crise des subprimes aux États-Unis.

Il est donc temps de réfléchir à des réformes radicales pour remettre le secteur financier au service de la communauté : c’est le sujet que développera Paul Jorion dans le cadre d’une conférence à Luxembourg mercredi 16 octobre. Information et inscription ici.

Article de Jean-Sébastien Zippert, paru dans le Jeudi du 26 septembre 2013

Notre photo (Oli Scarff/Getty Images) montre une plaque de Lehman Brothers aux enchères chez Christies