Dans le cadre de son 10ième anniversaire, etika – Initiativ fir alternativ Finanzéierung - aborde chaque mois un secteur de l’économie luxembourgeoise proposant une plus-value sociale et/ou environnementale. Après avoir fait le point sur l’agriculture biologique le mois dernier, nous traitons cette fois-ci des énergies renouvelables.
Le mythe d’une énergie alternative à coût élevée s’effondre de plus en plus chaque jour. Les arguments avancés par les lobbyistes des énergies fossiles et de leurs alliés politiques se trouvent affectés par l’évidence du changement climatique et des progrès réalisés dans les technologies d’exploitation des énergies renouvelables. Les faits montrent que les coûts associés à l’exploitation des énergies fossiles vont croissant alors que ceux liés à l’exploitation des énergies alternatives sont en baisse continuelle. Les raisons économiques de ce phénomène s’expliquent par la loi de l’offre et de la demande, et par la baisse des coûts fixes d’exploitation liée aux progrès réalisés dans le domaine des énergies renouvelables.
Ce serait une erreur de penser que nous sommes à la veille d’une crise de l’énergie, car nous la subissons depuis longtemps. Comment pourrions nous interpréter le quadruplement du prix du gaz et le triplement du prix du pétrole en cinq ans ?
La croissance économique exponentielle des pays émergeants asiatiques de près de 10 % par an explique en grande partie ce bond. La consommation pétrolière de la Chine est actuellement de six millions de barils par jour, soit quasiment 10 % de la consommation mondiale et près d’un tiers de celle du plus gros consommateur de pétrole, les Etats-Unis (source : CIA Factbooks 2007). L’offre de pétrole chute constamment, alors que la demande explose.
Ceci conduit immanquablement à une hausse des prix sans précédant. Même dans le cas d’une hypothétique baisse de la consommation quotidienne de pétrole, par exemple due à une crise économique mondiale, l’offre globale continuerait à se raréfier et les prix continueraient inexorablement à monter.
L’énergie nucléaire est dans la même situation. Les quantités d’uranium étant également limitées, les estimations les plus optimistes tablent sur des réserves mondiales de 10 millions de tonnes, soit 70 années d’exploitation sur la base de la consommation actuelle (Source ; Ministère de l’environnement allemand ). L’énergie nucléaire est également sujette à controverse : de nombreux pays ont d’ores et déjà exclu d’augmenter la capacité de leur centrales, voire décidé de fermer progressivement leurs centrales en exploitation suivant l’exemple de l’Allemagne et de la Belgique.
Les ambitions nucléaires de pays comme la Corée du Nord ou l’Iran ne soulèvent pas – à juste titre – l’enthousiasme de la communauté internationale car la séparation entre le nucléaire civil et militaire n’a pas fait la preuve de son étanchéité.
On observe depuis les dix dernières années un fort engouement pour les énergies alternatives. La mise en application du protocole de Kyoto a été une étape importante dans lce processus visant à réduire progressivement la production de gaz à effet de serre. Un autre moyen d’atteindre ce but consiste à exploiter massivement les sources d’énergie renouvelables. Les catastrophes naturelles récentes comme la canicule qui a frappé l’Europe en 2003 avec 30.000 morts ou l’ouragan Katrina qui a dévasté la ville de Saint Louis en 2006 ont encore accentué le sentiment d’urgence.
Des coûts en baisse pour des emplois en hausse
Contrairement aux coûts des énergies fossiles, les coûts de production des énergies renouvelables sont en baisse constante. Cela est dû d’un côté aux avancées technologiques et de l’autre aux économies d’échelle. Il y six ans encore la puissance d’une centrale éolienne était d’environ 700 Kilowatt. Aujourd’hui elle peut atteindre 5.000 Kilowatt. Cette augmentation de productivité de chaque centrale a un effet direct sur les coûts de production. En Allemagne, la loi sur les énergies renouvelables prévoit une baisse progressive des subsides accordés aux producteurs. En effet, la forte demande de la part des producteurs d’énergies pour des implantations d’éoliennes ou des panneaux solaires fait chuter leurs coûts de production, grâce aux économies d’échelle générées par l’augmentation de la production. En Allemagne, la loi sur les énergies renouvelables de 2000 prévoyait d’augmenter la part de l’électricité verte à au moins 12,5% d’ici 2010, à 20% d’ici 2020 et à 50% d’ici 2050. Au premier semestre 2007 en Allemagne, la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité a augmenté de 34% par rapport au premier semestre 2006 : elle est aujourd’hui à 13,3%.
Contrairement à beaucoup de secteurs qui licencient du personnel, les énergies renouvelables se révèlent être génératrices d’emplois. En Allemagne le secteur de l’énergie solaire à lui seul emploie presque 60.000 personnes, sachant que 10.000 emplois ont été créés dans le secteur ces trois dernières années.
Parc d’éoliennes dans la commune de Heiderscheid. Elles ont été financées à hauteur de 1.000.000 d’euros par etika et la BCEE. |
Un bond significatif au Luxembourg
Les statistiques de l’Institut Luxembourgeois de la Régulation démontrent clairement que le Luxembourg s’est engagé dans la production d’énergies renouvelables, principalement dans l’électricité. L’énergie renouvelable la plus anciennement exploitée au Luxembourg, l’hydroélectricité, a connu un regain d’intérêt à la fin des années 90 avec la rénovation de moulins à eaux sur le territoire luxembourgeois. C’est ainsi que sept moulins à eau de petite à moyenne puissance ont pu bénéficier de crédits alternatifs, soit le tiers de ce type de centrales en production au Luxembourg.
La biomasse est une autre source d’énergie moins visible, mais tout aussi efficace. Elle consiste à exploiter de la matière organique comme source d’énergie soit directement par la combustion de bois, soit à partir de méthanisation de celle-ci (biogaz). Etika a ainsi financé cinq installations de méthanisation au Luxembourg et la construction d’une chaudière à copeaux de bois commune à sept foyers. Comme la production de biogaz peut également être réalisée à partir de la méthanisation de maïs produit de manière intensive, etika a décidé de ne financer que les installations dont l’intensité de l’exploitation des terres agricoles ne dépasse pas deux unités de gros bétail par hectare.
L’exploitation de l’énergie photovoltaïque est plus récente et ce n’est qu’à partir de 2001 qu’elle commence à représenter une part significative dans la production d’énergie au Luxembourg grâce à la loi accordant des subsides très généreux pour les installations photovoltaïques. La révision générale de l’ensemble des subsides accordés aux énergies renouvelables en 2005 a cependant considérablement ralenti le mouvement qui avait été amorcé en 2001. Etika avait débloqué en 2002 un million d’euros pour faciliter l’accès au crédit des particuliers dans cette technologie. Ceci a permis à treize projets de bénéficier d’un taux réduit avant que la plupart des banques de la place se battent pour proposer des crédits bonifiés. Aujourd’hui etika a limité l’éligibilité de ces installations à des utilisateurs collectifs (asbl, communes, écoles) ou aux projets qui intègrent l’installation de panneaux photovoltaïques à la construction d’un bâtiment à haute performance énergétique (maison passive par exemple).
Enfin, et contrairement aux autres technologies de production d’énergie renouvelables, l’exploitation de l’énergie éolienne a rapidement pris ses marques au Luxembourg. Les éoliennes nécessitent des investissements massifs en capitaux, ce qui explique qu’elles sont pour la plupart exploitées par des sociétés et non par des particuliers. Pour sa part, etika a participé au financement de deux tiers des éoliennes en production au Luxembourg fin 2006. Aujourd’hui, l’éolien représente un quart de la production de l’énergie renouvelable au Luxembourg, juste derrière l’énergie hydroélectrique.
Les investissements d’e etika dans le domaine des énergies renouvelables sont les plus importants en volume : ils représentent le tiers des investissements au 30 juin 2007 soit plus de 3,8 millions d’euros. La majorité, en volume, de ces investissements a été consommée par des crédits pour des installations d’éoliennes.
Pour conclure, rappelons que si la production d’énergies renouvelables actuelle ne satisfait que 3 à 4 % de la demande au Luxembourg, des associations comme Greenpeace ont démontré que l’Europe pourrait avoir définitivement tourné la page des énergies fossiles pour 2080 a condition d’investir 22 milliards d’euros par an dans les renouvelables et l’efficacité énergétique. Ce choix est donc avant tout un choix politique. Au fond, ceci nous pose la question de notre consommation d’énergie qui est absolument insoutenable pour notre planète. Nous devrons résoudre ce problème par une révision drastique de nos modes de production et de consommation ! L’investissement dans ce secteur continuera à s’imposer comme un choix sûr, rentable et indispensable au niveau des choix sociétaux.
Les ONG environnementales ont pu démontrer que le passage au renouvelables était réaliste avec un politique d’économies d’énergie fortes. (Photo : Greenpeace Luxembourg)
Article parus dans le Land du 26 octobre 2007