Le fonds de compensation de réserve de pension du Luxembourg (FDC) a récemment fait couler de l’encre en raison de ses investissements controversés dans des entreprises actives dans la production de bombes à sousmunition ou plus récemment dans l’entreprise TEPCO, propriétaire de la centrale de Fukushima.
Rappelons que le FDC a été créé par une loi en 2004 afin de constituer une réserve pour le versement des retraites des salariés du secteur privé travaillant au Luxembourg. Le financement du FDC est assuré par les cotisations des salariés du secteur privé. Une partie de ces cotisations est distribuée dans le mécanisme des retraites par répartition (c’est-à-dire que l’argent versé par les salariés est redistribué aux retraités aujourd’hui) et l’autre par capitalisation, c’est-à-dire que l’argent des cotisations est investi dans des actifs financiers
(essentiellement des actions de grandes entreprises et d’Etats) : le FDC a été créé pour répondre à cette mission.
Nous ne traiterons pas ici des avantages et inconvénients des deux
systèmes de financement des retraites qui ont fait l’objet de nombreux débats en 2004 : le fait est qu’aujourd’hui le FDC représente de loin le premier fonds d’investissement sous mandat
de gestion public avec plus de 10 milliards d’euros d’actifs sous gestion.
Jusqu’à présent, la mission qui a été donnée aux institutions bancaires privés remportant l’appel d’offre pour la gestion financière du FDC était basée exclusivement sur des critères financiers,
ce qui a donné lieux aux polémiques déjà citées.
etika et l’OGB-L avaient déjà demandé bien avant la crise financière de 2008 que le FDC se dote de critères sociaux et environnementaux
en plus des critères financiers. L’actualité économique démontre malheureusement tous les jours que nombre d’entreprises privilégient
souvent une vision à court terme pour dégager le plus de profits en un minimum de temps, impliquant de fait des dégâts pour les
droits humains et sociaux et l’environnement.
D’autres institutions comme la Norvège et le fonds CALPERS (fonds destiné à financer les retraites des fonctionnaires californiens) ont
fait le choix de prendre en compte des critères sociaux et environnementaux dans la sélection d’actifs de leurs fonds de pension : le recul de leurs expériences a démontré que la performance
des investissements n’a rien à envier à celles des fonds n’utilisant pas de critères sociaux et environnementaux. L’ASTM milite pour un mix de critères d’exclusion et d’inclusion.
La base pour les critères d’exclusion pourrait être la violation des conventions signées et ratifiées par le Luxembourg dans le domaine
des droits humains, sociaux et la protection de l’environnement : par souci de cohérence, le Luxembourg ne devrait pas tolérer l’investissement dans des entreprises et Etats connus pour violer le droit international. Le droit est une source qui ne souffre pas de contestation d’ordre idéologique : en effet quand une pratique est jugée inacceptable par une majorité de pays membres de l’ONU comme
l’est le travail des enfants par exemple, elle peut servir de base incontestable. C’est évidemment différent concernant d’autres activités controversées comme l’usage du nucléaire civile ou de la culture des OGM qui ne font pas l’objet de conventions internationales les interdisant.
L’ASTM ainsi que de nombreuses organisations de la société civile luxembourgeoise comme la fondation Caritas et le mouvement écologique, ont rejoint etika et l’OGB-L depuis pour réclamer une réforme du mode de gestion du FDC. Au niveau politique déi Gréng
mènent également une campagne en ce sens et a récemment organisé un débat pour demander aux représentants de tous les partis présents à la Chambre des députés de se positionner
sur cette question : il est ressorti de ce débat que les principaux partis se sont déclarés en faveur de la mise en place de tels critères :
cette question est désormais installée dans le débat public et nous nous en réjouissons.