Comment la microfinance a-t-elle réagi à la crise de Covid ?
Depuis que les Nations unies ont déclaré 2005 Année internationale du microcrédit, on sait le rôle essentiel que la microfinance peut jouer pour améliorer la situation précaire des ménages pauvres. Toutefois, la microfinance ne se limite pas aux microcrédits, elle offre également des possibilités d’épargne et des assurances dans le but d’aider les familles pauvres à s’aider elles-mêmes.
Le gouvernement luxembourgeois, en collaboration avec des organisations de coopération au développement - comme Appui au Développement Autonome (ADA), membre fondateur de etika, et SOS Faim - et la place financière, s’est engagé depuis ce temps à promouvoir la microfinance. Avec succès : le Luxembourg compte aujourd’hui parmi les acteurs mondiaux les plus importants dans ce domaine. Cette expérience a permis de développer dès 2009 un produit inhabituel à bien des égards, qui a été présenté en mars 2010 : le "Luxembourg Microfinance and Development Fund" (LMDF).
L’objectif de cet outil d’investissement développé par l’État luxembourgeois et l’ADA, dont etika faisait partie des membres fondateurs aux côtés des banques, était expressément - outre une protection particulière pour les particuliers investissant dans le pays - de soutenir avant tout les institutions de microfinance (IMF) du Sud global qui n’ont qu’un accès limité aux bailleurs de fonds internationaux.
Le fonds ne propose pas de microcrédits ou d’autres services financiers directement aux populations pauvres, mais collabore avec des IMF ancrées localement, qui offrent elles-mêmes des services financiers adaptés. Le LMDF leur offre des crédits, des fonds propres et des garanties pour le refinancement de leur portefeuille de crédits ou d’autres produits. Les garanties sont émises en faveur d’une banque du pays en développement concerné qui, à son tour, octroie un crédit, généralement en monnaie locale, à l’IMF.
Après deux ans de mise en œuvre de mesures sanitaires urgentes dans le monde entier, on constate que la crise sanitaire du COVID-19 a transformé nos sociétés et nos modèles économiques. En ce qui concerne la microfinance il était au début difficile de connaître l’ampleur des conséquences de la crise, mais ce qui était certaine du début était la crainte, que la crise touchera en premier lieu les populations les plus vulnérables – donc la groupe cible principale. Les acteurs de la microfinance ont du trouver des solutions mais aussi saisir les nouvelles opportunités qui se présentent en cette période extraordinaire afin de surmonter non seulement les effets sanitaires et économiques, mais aussi pour protéger les populations les plus fragiles.
L’année 2020, la crise a obligé le LMDF à soutenir ses IMF partenaires dans une période d’incertitude élevée en concluant des accords de poignée de main pour restructurer les échéances à court terme. Pendant ce temps, on a signé « l’Engagement Grameen » pour soutenir les institutions de microfinance pendant la période de crise. Compte tenu des risques et de l’incertitude, les décaissements ont été ralentis et la liquidité a pu s’accumuler.
Bien que la pandémie se révèle tout sauf prévisible, il est maintenant beaucoup plus clair quelles sont ses ramifications pour les IMF et pour les communautés vulnérables. Les confinements initiaux ont eu un impact considérable sur les économies informelles et formelles, mais les économies informelles ont par la suite fait preuve d’une forte résilience.
Il a d’abord fallu prendre le temps d’écouter les clients et de comprendre ce que la crise signifiait pour eux. Pour ce faire, on a examiné les données de l’institut "60 Decibel", qui a interviewé plus de 23 000 personnes en 2020, dont la plupart vivent dans une extrême pauvreté. Il s’est avéré que 79 % de ces personnes étaient très inquiètes ou craignaient l’avenir, un taux qui s’élevait encore à 66 % en 2021. La cause principale était la forte réduction de leurs revenus et l’augmentation simultanée de leurs dépenses.
Cette situation a également eu un impact sur la FMI. Il est toutefois surprenant de constater que les clients ont accordé une grande priorité au remboursement de leurs crédits, comme l’indique le "Social Performance Report 2020" du LMDF, publié fin 2020. Néanmoins, un tiers des clients y voyaient un problème majeur, et pour 11%, c’était un très gros problème. C’est pourquoi le LMDF a tenu à travailler avec des partenaires qui tiennent compte de cette situation particulière et qui agissent de manière socialement responsable. Cependant, 72 % des FMI n’ont pas pu "aller sur le terrain" pendant longtemps et 61 % n’ont pas pu recevoir de clients dans leurs agences. Le contact étroit habituel n’était plus possible.
Les IMF auraient toutefois réussi, au bout d’un moment, à adapter leur business model, notamment en communiquant différemment grâce aux nouvelles technologies. Mais l’impossibilité prolongée d’obtenir ou d’organiser le remboursement des crédits a constitué un problème encore plus important. La part des "portefeuilles à risque" a également énormément augmenté et de nombreux crédits ont dû être restructurés.
La plupart des institutions n’ont plus besoin de mesures de soutien COVID et la plupart des accords de restructuration COVID ont maintenant été dénoués. Celles particulièrement touchées par la crise, nécessitent encore des mesures. Après une année difficile pour ses dix ans d’existence, le fonds devra développer une plus grande diversité d’approches, de modèles et de types pour les dix années à venir, explique Kaspar Wansleben, directeur général du fonds depuis le début. Il s’agira notamment de mettre davantage l’accent sur le financement de l’agriculture, un domaine d’une importance fondamentale, comme l’a montré la pandémie.
Etika continue à faire confiance au LMDF : Nous n’avons jamais remis en question notre engagement de 200.000 euros en 2009, alors que le Covid-19 nous faisait craindre le pire.
Plus d’infos : www.lmdf.lu
Le photo montre un marché à Gondar en Ethiopie
Article du 19 mars 2022