
La Luxembourg Sustainable Finance Initiative a présenté début février une nouvelle version de son plan pour une place financière durable. Il ne contient pas beaucoup d’éléments concrets.
Sur la place financière luxembourgeoise, on a l’impression qu’il ne se passe pas deux semaines sans qu’une conférence ou une déclaration publique n’évoque la lutte contre le changement climatique. On concède parfois que le secteur financier n’a pas toujours assumé ses responsabilités sociétales dans le passé. Mais maintenant, on veut être partie prenante de la solution avec une économie financière orientée vers des critères de durabilité, avec la finance durable.
Ce récit est également diffusé avec zèle par le monde politique. En lisant les préfaces des ministres Gilles Roth (Finances, CSV) et Serge Wilmes (Environnement, CSV) à la "Luxembourg Sustainable Finance Strategy 2030", présentée au public début février, on pourrait croire au premier abord qu’on a affaire – au lieu de représentants de l’establishment politique – à des cadres de Fridays For Future : "Le changement climatique, la destruction de l’environnement et les inégalités sociales" exigent que le secteur financier "soit à l’avant-garde des changements positifs", écrit Roth. Et Wilmes demande d’élargir "considérablement" les investissements dans la durabilité, la protection du climat et la biodiversité. Cependant, ces exigences sont couplées à la promesse que la place financière luxembourgeoise bénéficiera de cette évolution. Les investissements dans l’environnement sont non seulement justes, poursuit Wilmes, "mais aussi une opportunité de générer des rendements".
C’est probablement là la véritable raison de la prolifération, ces dernières années, de feuilles de route, de stratégies et de plans d’action pour une place financière plus durable : les gouvernements successifs ainsi que les acteurs clés du secteur veulent, dans une large alliance, donner au Luxembourg un avantage stratégique par rapport aux autres places financières. Pour ce faire, le pays a créé au cours des 20 dernières années toute une série d’agences dont la tâche principale semble être de promouvoir la prétendue durabilité de la place financière. Ces organisations de partenariat public-privé ont en commun de se présenter comme indépendantes, alors que leurs conseils d’administration sont tous contrôlés par l’État et le secteur financier. C’est également le cas de la Luxembourg Sustainable Finance Initiative (LSFI), créée en 2020, entre autres par les ministères de l’Environnement et des Finances et Luxembourg for Finance – l’auteur du document stratégique récemment publié.
Le contexte de la LSFI laisse déjà présager que le plan quinquennal présenté repose moins sur une analyse sérieuse – car développée de manière indépendante – à partir de laquelle une stratégie de durabilité serait dérivée, mais qu’il s’agit ici avant tout de marketing pour la place financière. Cette impression est renforcée par le fait que la LSFI, qui compte tout de même huit employés, s’est principalement appuyée sur le cabinet de conseil Oliver Wyman pour développer sa stratégie – un grand nom dans le monde financier pour les questions de réglementation, de gestion des risques et de stratégies commerciales. Qu’une entreprise fortement dépendante du secteur financier mette en avant des aspects critiques ou présente un projet de stratégie appelant à un contrôle plus strict des instruments financiers nocifs, et donc de ses propres clients, est plutôt improbable. Dans le passé, cette société s’est plutôt distinguée par l’attitude inverse : en 2005, par exemple, elle a poussé Citigroup à considérablement étendre ses activités liées aux Collateralized Debt Obligations (CDOs) – un produit financier qui devait acquérir une triste notoriété deux ans plus tard. Citigroup a suivi la recommandation et est devenu par la suite l’un des plus grands négociants mondiaux de ces titres, qu’on peut imaginer comme des ensembles regroupés et négociables de dettes. À partir des années 2000, ces ensembles ont été fatalement remplis de prêts hypothécaires, dont beaucoup de crédits subprime sans valeur. Leur défaillance massive a déclenché en 2007 la crise financière mondiale avec toutes ses conséquences économiques, politiques et sociales encore perceptibles aujourd’hui.
En parcourant les 56 pages de la stratégie, on ne trouve donc – comme on pouvait s’y attendre – que des objectifs vaguement formulés, mais de nombreuses phrases marketing et une profession de foi insistante sur le rôle de pionnier du Luxembourg. Des "opportunités" doivent être saisies, des "parties prenantes" impliquées et des "bonnes pratiques" promues. Dans une belle prose marketing, on invoque le "leadership", l’"innovation" et la "transformation", sans définir ces termes ne serait-ce qu’approximativement sur le fond. Ce qui distingue le document actuel de la première version parue en 2021, c’est que, curieusement, on place maintenant le développement de la LSFI elle-même au centre de la stratégie. Le plan : l’organisation doit devenir un "Centre d’Excellence" et un "Pôle de Connaissances" dans les années à venir. Traduit en langage compréhensible, cela signifie qu’on veut faire de l’institution un centre de coordination et d’information pour tout ce qui a trait aux finances durables. Plus précisément, la LSFI doit assister les acteurs du marché financier, en tant que prestataire de services, dans la gestion des exigences de l’UE. Car ce n’est qu’en aidant les entreprises établies au Luxembourg à mettre en œuvre les nouvelles réglementations que le pays pourra maintenir son avantage concurrentiel, dit-on. Des "guides pratiques" et du "coaching" doivent être proposés, entre autres, pour aider les entreprises à réduire leurs "coûts de conformité". On cherche en vain des propositions réglementaires propres dans le document.
Au lieu de cela, on énumère quelques domaines dans lesquels il semble particulièrement rentable ("key areas of opportunity") d’anticiper les futures exigences réglementaires. De nouvelles opportunités d’investissement sont offertes, entre autres, par la "Blue economy" (investissements dans la préservation des écosystèmes marins), la "Transition finance", le commerce de certificats de CO2 et de biodiversité, très controversés en raison de leurs effets douteux, ainsi que, de manière générale, les domaines de la "nature" et de la "biodiversité". Ce que cela signifie dans chaque cas particulier, on ne l’apprend pas dans cette énumération sommaire.
En revanche, on nous sert encore quelques idées vagues. Dans les domaines de la banque privée, des assurances et des trusts, de "nouvelles opportunités de marché" pourraient être exploitées et des capitaux générés pour des investissements durables. En outre, le capital des High et Ultra-High Net Worth Individuals, des organisations philanthropiques, des banques privées et des fondations devrait être mobilisé à des fins durables. Presque inévitablement, les auteurs soulignent également les opportunités offertes par les nouvelles technologies comme l’IA pour l’automatisation des processus de conformité dans le secteur financier. Le Luxembourg devrait promouvoir leur utilisation. De plus, d’autres opportunités se présenteraient dans l’entretien des initiatives de partenariat public-privé existantes que le Luxembourg a lancées ces dernières années.
Face à cette stratégie assez maigre, qui ne représente que la moitié du texte, il n’est pas étonnant que la célébration des prétendus succès et la présentation de domaines prétendument déjà largement durables de la place financière occupent une grande place dans le document. Sont explicitement mis en avant, entre autres, le secteur des fonds d’investissement, les obligations durables et la microfinance, qui, après une analyse plus précise, s’avèrent être des châteaux en Espagne. L’évaluation du centre de fonds, qui pèse plus de 5000 milliards d’euros, est particulièrement étonnante. Pas moins de 72 % de tous les OPCVM domiciliés au Luxembourg prendraient déjà en compte les critères ESG – c’est-à-dire les normes environnementales, sociales et de gouvernance. D’où vient ce chiffre ?
La Luxembourg Sustainable Finance Initiative n’est pas restée inactive depuis sa création et a initié, en tant que "Knowledge Hub", trois études majeures qui doivent prouver scientifiquement le "verdissement" de la place financière. Comme pour le document stratégique, on s’est également fait aider par un cabinet de conseil, en l’occurrence PWC. Les 72 % de fonds prétendument durables proviennent de la dernière étude de cette série (Sustainable Finance in Luxembourg 2024. A maturing ecosystem). Ceux qui connaissent les documents précédents n’auront été que modérément surpris par ce chiffre élevé. Si la première édition, en 2022, concluait que déjà 54 % de tous les fonds prenaient en compte les directives ESG, ce chiffre a rapidement augmenté à 68 % l’année suivante. Une nouvelle hausse semblait logique – chaque stratégie a besoin de ses annonces de succès régulières.
Mais quiconque tente de comparer les chiffres des différentes études se heurte à un problème insurmontable : la méthodologie sur laquelle repose la collecte des données a changé d’une étude à l’autre. Une comparaison est tout simplement impossible. Cela ne semble toutefois pas poser de problème, tant que les chiffres eux-mêmes vont dans la bonne direction. Les rapports annuels sont d’ailleurs bien accueillis par les politiques. Dans son introduction à la nouvelle stratégie de durabilité, Wilmes les qualifie de ressources "d’une valeur inestimable pour mesurer les progrès".
Les études douteuses ne sont cependant que le moindre des problèmes en ce qui concerne le centre de fonds. La majorité du capital des fonds domiciliés au Luxembourg est investie sur le marché boursier mondial, qui, techniquement parlant, n’est qu’un marché secondaire – avec des effets limités sur les processus économiques. Car sur le marché boursier, un acteur du marché – par exemple un fonds – achète une action à un autre acteur du marché pour la revendre plus tard, si possible avec un profit, à un autre acteur du marché. Un transfert direct de capital vers une entreprise n’a de facto pas lieu, à l’exception du jour de l’introduction en bourse. Cela signifie que les effets économiques réels des fonds ESG, pour autant qu’ils bannissent vraiment les entreprises non durables de leurs portefeuilles, sont à peine mesurables.
L’idée qu’on puisse sauver le climat avec l’investissement ESG a donc toujours été une illusion lucrative entretenue par les banques et les grands gestionnaires de patrimoine. Elle a conduit le renégat probablement le plus célèbre du monde financier, Tariq Fancy, autrefois responsable de l’investissement durable chez Blackrock, à jeter l’éponge par frustration et à qualifier l’ESG dans son ensemble de "placebo dangereux". Ce débat semble être complètement passé à côté du Luxembourg, le deuxième plus grand centre de fonds d’investissement au monde.
Les deux autres prétendues success stories du document stratégique, la microfinance et les obligations vertes, ont, contrairement aux fonds ESG, des effets économiques réels – mais rarement ceux souhaités. En particulier sur les obligations vertes, une littérature critique presque impossible à embrasser est apparue ces dernières années. Les critiques vont du greenwashing systématique au manque d’additionnalité – la plupart des projets pourraient également être financés par des obligations conventionnelles – en passant par une réglementation insuffisante. Mais surtout, les effets environnementaux réels restent généralement dans l’ombre. Présenter la Green Exchange, existant depuis 2016, comme une success story semble risqué compte tenu de ces problèmes fondamentaux.
La microfinance, avec laquelle le Luxembourg aime se présenter comme un pionnier dans la lutte contre la pauvreté, fait également l’objet de critiques depuis des années. Car les taux d’intérêt parfois supérieurs à 100 %, extorqués aux plus pauvres d’entre les pauvres de ce monde par les institutions de microfinance et leurs financiers luxembourgeois, ne sont guère propices à réduire la pauvreté. Ils ne font souvent qu’enfoncer davantage les emprunteurs du Sud global dans la misère.
Une stratégie de durabilité qui se veut sérieuse devrait traiter précisément de ces aspects. Elle devrait avant tout fournir un état des lieux des dommages causés par l’espace économique luxembourgeois, dans ce cas par le secteur financier, et élaborer des propositions pour les réduire. Le peu d’empressement à le faire est toutefois démontré par l’étude PACTA lancée par la LSFI en 2021. L’étude devait mesurer dans quelle mesure les investissements et les crédits des institutions financières luxembourgeoises sont conformes aux objectifs climatiques de l’Accord de Paris. À ce jour, ni la LSFI ni les institutions financières participantes n’ont publié de résultats concrets. Cette mise en scène d’efforts de durabilité ne devrait guère changer à l’avenir – trop étroits sont les liens de la LSFI avec précisément ces acteurs du secteur financier et de l’État dont elle devrait examiner les activités de manière critique.
Première publication dans d’Lëtzebuerger Land (février 2025)
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