l’ONG Déclaration de Berne dénonce les pires des entreprises

, par Ekkehart Schmidt

Elle est inconnue du grand public et vient de Finlande : Neste Oil est la pire société au monde à cause de son comportement social et environnemental, à en croire l’organisation non gouvernementale Déclaration de Berne (DB). Neste Oil s’est vu décerner à Davos fin janvier le Public Eye People’s Award 2011 d’après le vote des internautes. Son crime ? Produire et vendre du « Neste green diesel » (du diesel vert) qui d’après l’ONG n’a d’écologique que le nom. Plus de 50’000 personnes ont pris le temps de déposer leur vote en ligne. Le prix du jury revient à l’entreprise minière sud-africaine AngloGold/Ashanti.

L’appellation « green diesel » est « trompeuse car ce produit se compose principalement d’huile de palme, dont l’entreprise est en passe de devenir le plus gros acheteur de la planète », explique DB dans un communiqué de presse. « La demande croissante en huile de palme entraîne toujours plus de déforestation en Indonésie et en Malaisie, mettant en péril les derniers sanctuaires des Orang-outang. »

La société finlandaise dit avoir été victime d’une campagne de Greenpeace qui aurait appelé à voter contre elle. « Le résultat du Public Eye Award ne nous est pas favorable », a reconnu Simo Honkanen, responsable Développement durable chez Neste Oil, avant de défendre l’entreprise : « Nous n’achetons que de l’huile de palme (...) dont l’origine est vérifiée ». Preuve de son engagement écologique, Neste Oil souligne avoir été classée comme la plus performante de son secteur en matière « d’empreinte environnementale » par le Forest Footprint Disclosure Project. Seul hic : elle est la seule entreprise à avoir répondu au questionnaire.

Neste Oil est en pleine expansion. Elle augmente actuellement sa capacité de production à Rotterdam et à Singapour. Son principal fournisseur, IOI, devra doubler sa surface d’exploitation d’huile de palme afin de suivre la demande. La production mondiale double tous les deux ans depuis 30 ans. A l’avenir, « par rapport à l’an 2000, la demande en huile de palme va doubler d’ici à 2030 et tripler d’ici à 2050 », prévoit DB.

De nouveaux clients commencent à s’intéresser au diesel à base d’huile de palme, comme les compagnies aériennes allemande Lufthansa et finlandaise Finnair. Cette dernière, selon l’ONG, aurait cependant pris ces distances avec Neste Oil ces dernières semaines pour éviter une publicité négative.

Le Public Eye People’s Award 2011, pour lequel le nombre de votant a plus que doublé par rapport à 2010, revient à Neste Oil avec 17’385 voix, reléguant BP (13’000 voix) et Philip Morris (8051 voix) aux deuxième et troisième places du podium.

Aussi Nestlé épinglé

D’autres industriels accrocs à l’huile de palme se sont déjà trouvés dans le collimateur des activistes écologiques. Par exemple, le géant de l’agroalimentaire Nestlé a été épinglé en 2010 par Greenpeace pour l’huile de palme contenue dans certains produits. « La production de cette huile requiert des produits chimiques qui empoisonnent l’eau, la terre, la faune, la flore et les habitants », insiste DB.

AngloGold/Ashanti responsable pour l’empoisonnement

La société AngloGold/Ashanti se voit attribuer le Public Eye Global Award par un jury d’expert pour sa responsabilité dans l’empoisonnement des terres et des habitants dans le cadre de son activité d’extraction d’or au Ghana. Dans le discours qu’il a prononcé à Davos, Daniel Owusu-Koranteng, directeur exécutif de l’association de soutien aux victimes WACAM, explique comment des substances toxiques s’écoulent des décharges de déchets miniers, polluant les rivières et les sources d’eau potables dont dépendent des villages entiers. De surcroît, de nombreuses personnes ont été victimes d’actes de torture dans les postes de gardes des mines de l’entreprise. Des actes, qui à plusieurs reprises, ont eu une issue fatale.

Augmenter la responsabilité sociale des entreprises

Les organisations porteuses des Public Eye Awards tout comme celles ayant nominés des entreprises exigent depuis longtemps un cadre légal contraignant permettant d’augmenter la responsabilité sociale des entreprises. La société civile salue donc les lignes directrices du travail du Représentant spécial de l’ONU pour la question des droits de l’homme, des sociétés transnationales et autres entreprises, le professeur John Ruggie. Celles-ci comprennent la protection des individus par les états, le respect des droits humains par les entreprises et l’aide juridique aux victimes. Ce cadre de travail sera entériné en 2011 par le Conseil des Droits de l’Homme. Ces efforts doivent aboutir à ce que les entreprises ne puissent échapper au « Naming and Shaming », tel qu’il est mis en œuvre par le Public Eye et par d’autres campagnes, seulement si elle s’astreignent à une discipline de transparence, le « Knowing and Showing ».

Daniel Domscheit-Berg, le fondateur de OpenLeaks, exige lui aussi plus de transparence et d’éthique de la part de la sphère économique. « C’est là un besoin grandissant de la société civile », déclare l’ancien porte-parole de WikiLeaks. Il voit dans le succès des sites de Whistleblowing un signal pour le secteur privé. « Les entreprises qui ne mettront pas en œuvre une politique de transparence de manière proactive, se la verront imposée par l’action des whistleblowers ».

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