Contrôle de la sélection et labellisation des fonds de catégorie « Best in Class »

, par Jean-Sébastien Zippert

Outre la transparence dans la définition des critères d’investissement, nous avons accordé une grande importance au contrôle que le promoteur assure pour sélectionner les actifs composant son fonds. Cette vérification peut être interne, c’est-à-dire que ce sont les propres équipes du promoteur qui déterminent et surveillent la sélection des actifs financiers. Ce contrôle peut également être externe, c’est-à-dire fourni par une commission d’experts indépendants du gestionnaire, sachant qu’en dernier ressort, la décision d’allocation des actifs relève toujours de celui-ci.

Il convient cependant d’avoir à l’esprit que même lorsque les choix d’investissement sont effectués exclusivement en interne, c’est-à-dire sans recours à l’avis d’experts indépendants censés garantir l’observation des critères d’investissement relevant de la responsabilité sociale, ceci ne signifie pas nécessairement qu’il n’existe aucun contrôle externe a posteriori de l’observation des critères d’investissement dont un fonds s’est doté. En effet, le réviseur d’entreprises externe aux services duquel tout fonds est obligé de recourir, devra en particulier faire porter ses travaux de vérification sur la conformité des investissements effectués avec la politique d’investissement du fonds.
Pareil contrôle est facile à faire, et donc en principe très efficace, lorsque la politique d’investissement répond à des critères objectifs facilement vérifiables : tel est en particulier le cas lorsque le fonds prévoit de n’investir ses actifs que dans des titres faisant partie d’un indice boursier bien défini tel que, par exemple, le Naturaktienindex allemand.
Ce contrôle a posteriori est bien plus aléatoire lorsque les critères d’investissement du fonds sont à caractère bien plus « soft » et donc assez difficilement vérifiables. Comme dans le cas d’une politique d’investissement prévoyant que le fonds n’investira que dans des « entreprises respectueuses de l’environnement » ou des « entreprises respectueuses des droits de l’être humain ». Cela ne revient pas à dire que le contrôle du réviseur serait, dans ces cas, totalement inefficace.
Ce qui précède, et qui vaut pour tout fonds, doit être pris en considération lors de la lecture des fiches relatives aux fonds répertoriés dans le présent guide. Même lorsque, s’agissant du contrôle, ces fiches mentionnent que seul un « autocontrôle » est en place ou qu’il n’y a pas d’information disponible quant à un contrôle externe, il existe en tout état de cause, et de par les exigences légales, le contrôle effectué par le réviseur d’entreprises.

Le label Ethibel

Un fonds peut également avoir été labellisé par une agence de rating socioenvironnementale externe comme c’est le cas pour Ethibel.
Ethibel est une association fondée en 1992 qui relève d’une initiative de la société civile belge et qui s’est donné pour objectif de conférer un label à des entreprises cotées sur les marchés financiers. Il s’agissait d’évaluer les entreprises en créant un label distinguant celles qui respectent une politique de transparence et dont les résultats en termes de politique socio-environnementale sont meilleurs que celles des autres entreprises dans le même secteur géographique et industriel donné. Ce label, unique au monde, connait un succès croissant et a été reconnu à l’échelle internationale : ainsi la fondation suédoise pour la recherche stratégique environnementale (Mistra) cite Ethibel comme exemple de « meilleure pratique » en Europe en ce qui concerne le conseil et la recherche en matière d’investissements durables.
Cette sélection est rigoureuse et indépendante dans la mesure où Ethibel - devenue Forum Ethibel suite à sa fusion avec Vigeo en 2005 - se fait rétribuer par les gestionnaires de fonds qu’elle labellise et n’a aucune relation commerciale avec les entreprises qu’elle audite.
Organisation d’étude indépendante et spécialisée, Ethibel va durant de nombreuses années être la référence sur le marché des SICAV socialement responsables belges. Or depuis le début des années 2000, de nombreuses institutions financières qui avaient délégué ce travail de sélection à Ethibel, vont petit à petit incorporer cette fonction en faisant appel à leurs propres services pour assurer ce travail de sélection.
Ce changement de politique de sélection inspire plusieurs questions : qu’en-est il de l’indépendance des gestionnaires d’actifs, parfois filiales de groupes financiers actionnaires des sociétés qu’ils ont la charge d’évaluer ? Plus fondamentalement, revient–il à des acteurs économiques de déterminer les valeurs sociales et environnementales qu’un investisseur responsable veut privilégier ? Que devient la participation des parties prenantes de l’entreprise, en particulier les syndicats et les ONG dans le processus d’évaluation ?
Sensibilisée par le sérieux de la sélection de Ethibel, et parce qu’elle est elle même composée de 10 associations de la société civile luxembourgeoise, etika est devenu actionnaire de la société commerciale Stock at Stake en 2003 et a rejoint le conseil d’administration d’Ethibel depuis 2004. Etika participe au développement du label dont la qualité et l’indépendance sont indiscutables. C’est pour cette raison que nous accorderons une place spéciale aux fonds labellisés par Ethibel dans ce guide.

Le label LuxFLAG

Ce label a été crée en juillet 2006 par une série d’acteurs publics et privés dont l’Etat luxembourgeois ainsi que des organismes représentant le secteur financier (ALFI, ABBL, ATTF). Elle compte également parmi ses administrateurs l’ONG Appui pour le Développement Autonome (ADA), membre d’etika.
L’objet de LuxFLAG est d’octroyer un label reconnu à des organismes de placement collectif investissant en microfinance, et ceci suivant des critères bien définis et affichés. Les fondateurs de LuxFLAG estiment que l’octroi d’un label certifiant la politique d’investissement des fonds visés aidera les promoteurs de fonds de microfinance à collecter des avoirs auprès d’investisseurs privés et institutionnels. Des labels autres qu’un label de microfinance pourront s’ajouter sur décision des membres fondateurs.

La nécessaire réappropriation des critères d’ISR par la sphère publique

Les produits issus de l’agriculture biologique (labels Biolabel et Demeter au Luxembourg) sont sous la responsabilité d’organismes indépendants qui sont eux-mêmes contrôlés par les pouvoirs publics, et dont les critères sont définis par la réglementation européenne. Etika souhaite que les pouvoirs publics s’emparent de cette problématique pour prendre en charge la définition et le contrôle de normes sociales et environnementales dans le cadre de l’investissement. C’est ainsi que les pouvoirs publics néerlandais ont fixé leurs propres critères avec la législation sur les « green funds ». Consulter à ce sujet le compte rendu de notre séminaire « L’ISR et le pouvoirs publics ».

En Belgique des propositions de loi ont été déposées au Sénat en 2004 et à la Chambre de Députés en 2006 pour que des critères d’investissement socialement responsable soient déterminés. La France a quant à elle délégué aux représentations syndicales la charge de déterminer les critères de sélection pour les fonds éligibles à l’Epargne salariale en créant le CIES (Comité Intersyndical de l’Epargne Salariale) en 2002.