Le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES) qui doit remplacer en juillet prochain le Fonds Européen de Stabilité Financière est actuellement en cours de ratification par les états membres de l’UE. Présenté comme l’ultime et unique recours face à une crise de l’endettement qui ne fait que s’aggraver depuis la première alerte venue de la Grèce, il instaure de fait un abandon de la souveraineté populaire à des institutions connues pour leur autoritarisme.
Le MES ne fait pas les gros titres de la presse européenne, alors que celui-ci engage durablement l’avenir des économies des pays de la zone euro. Nous ne reviendrons pas ici sur les causes réelles de l’endettement que nous avons déjà évoquées dans des chroniques précédentes, ni sur le coté à la fois inhumain et inefficace des plans d’austérité successifs infligés à la population grecque.
Rappelons tout de même que la Grèce et l’Italie ont vu leurs gouvernements remplacés sans que leurs populations aient été d’une manière ou d’une autre consultées… Le traité instituant le MES est un texte de 48 articles et de 62 pages, qui a été négocié en secret (et pour cause). Voici un bref aperçu des réjouissances : le mécanisme d’assistance consiste à imposer aux États en difficultés « une stricte conditionnalité (…) sous la forme notamment de programmes d’ajustement macro-économiques » ce qui institue de fait l’obligation pour l’Etat emprunteur de suivre des plans de rigueur imposés par la Commission européenne, la Banque Centrale européenne et le… FMI ! Cette institution qui s’est déjà illustrée dans le passé par ses décisions désastreuses pour les économies de nombreux pays du Sud, trône dorénavant en « coopération très étroite » à toutes les étapes du mécanisme.
Bien entendu ni la Commission, ni la BCE et encore moins le FMI n’ont de comptes à rendre aux élus et aux citoyens des pays emprunteurs. Chaque pays de la zone euro sera représenté dans le MES, mais son poids dans la décision sera en fonction de la puissance de son économie : l’Allemagne et la France (qui seront les seuls pays à disposer d’un droit de veto) pèseront ainsi pour 47, 5 % des votes alors que les voix des pays les plus en difficulté actuellement comme la Grèce, le Portugal et l’Irlande, atteindront péniblement 7 % des totaux des droits de vote. Même analysé au prisme de la stricte rationalité économique, le MES n’apparaît pas plus crédible : le pari du MES consiste à emprunter à des taux bas aux marchés financiers pour prêter ensuite aux pays en difficulté à des taux plus faibles que leur offriraient ces mêmes marchés financiers.
Cela sous-entend que le MES soit bien noté par les agences de notations, alors que seuls trois pays (l’Allemagne, les Pays-Bas et le Luxembourg) peuvent encore se targuer de bénéficier de la meilleure note et que de gros doutes subsistent sur l’Italie et l’Espagne, qui seront probablement encore dégradées dans les mois à venir en regard de la détérioration de leurs économies respectives.
Antidémocratique, jouant le jeu des marchés et de la spéculation financière et portant en germes la destruction du modèle social européen, le MES trahit définitivement l’idéal sur lequel s’est bâtie l’Union. Les prêts accordés sous la pression de marchés dérégulés ne serviront donc plus à construire ou solidifier socialement et économiquement un pays, mais à détruire tout ce qui a été accompli. Il est temps de se mobiliser pour faire entendre notre voix aux élus pour rejeter un tel texte !
Article de Jean-Sébastien Zippert, paru dans Le Jeudi du 1er mars 2012
Photo : Les syndicats européenns se mobilisent à Budapest contre les plans d’austérité successifs qui vont s’aggraver encore après la l’entrée en vigueur du MES (Photo Habeebe, licence Creative Commons)